Futaie de frêne issue de plantation - Photo Jérôme Rosa - CRPF Ile de France-Centre © CNPF (jpeg - 68 Ko)

Le Frêne en France, contexte et enjeux

Le frêne est la 4ème essence feuillue de production de bois. 

Compte-tenu de l’importance de la zone atteinte et de la rapidité de propagation de la maladie, il est aujourd’hui peu probable d’éviter la contamination de l’ensemble du territoire national.

L’épidémie de chalarose impacte durablement les peuplements de frêne, et compromet à court terme sa sylviculture, telle qu’elle a pu être traditionnellement pratiquée ces dernières décennies. 

Aire de répartition du frêne

Aire de répartition du frêne - Source IGN (jpg - 23 Ko)

L’aire de répartition métropolitaine du frêne commun (Fraxinus excelsior), occupe toutes les latitudes, de l’étage collinéen à montagnard (jusqu’à 1 400 m d’altitude), à l’exception de la frange méditerranéenne et de la Corse.

Dans la moitié sud du pays et en Corse, le frêne oxyphylle (Fraxinus angustifolia) est plus
fréquent voire dominant. Il se rencontre également à l’état disséminé plus au nord.

Précisons que les deux espèces s’hybrident naturellement.

Par ses exigences stationnelles élevées, tant sur le plan hydrique que trophique (espèce neutronitrocline, mésophile à mésohygrophile), le frêne commun est en général spontanément présent dans des milieux alluviaux ou de versants ombragés.

L’aulnaie-frênaie, la chênaie pédonculé-frênaie, ou encore la frênaie de ravin à scolopendre, sont des habitats naturels fréquents dans son optimum écologique.

Les peuplements à destination de production de bois d’oeuvre peuvent néanmoins valoriser des situations de plateaux riches comme dans les Hauts-de-France, le Grand Est, ou en Bourgogne-Franche-Comté.

Pour des raisons édaphiques, le frêne commun est plus rare sur les formations géologiques granitiques ou encore siliceuses comme en Bretagne, en Aquitaine ou encore certains secteurs de région Centre.


La 4ème essence feuillue de production de bois

Répartition en volume des principales essences (jpg - 21 Ko)

Le frêne est historiquement considéré comme une essence d’accompagnement des chênaies traditionnelles.

L’abandon des anciens régimes de taillis-sous-futaie a permis au frêne de s’affranchir des taillis pour passer à la futaie en renouvelant, par sa dynamique de végétation très souvent colonisatrice, des surfaces importantes.

Essence cultivée également pour son bois de qualité, elle répond à de nombreux usages dont les plus nobles l’orientent vers une valorisation en bois d’oeuvre : déroulage, ébénisterie, menuiserie...

Avec 93 millions de m3 sur pied, pour une surface de plus de 700 000 ha, le frêne commun se place en 4ème position des essences feuillues françaises de production (source IGN).


La propagation de la chalarose

Avancée de la Chalarose en France, situation Octobre 2017 (Source DSF) (png - 616 Ko)

Au début des années 90, des dépérissements de frênes communs sont signalés en Pologne et en Lituanie. Ces dépérissements sont, dans un premier temps, imputés au réchauffement climatique.

Ce n’est qu’en 2006 que la forme asexuée du champignon responsable de ces dépérissements, est décrite sous le nom de Chalara fraxinea (Kowalski 2006). En 2011, la forme sexuée Hymenoscyphus pseudoalbidus est identifiée.

Les signalements se multiplient ensuite, mettant en évidence une propagation rapide à travers toute l’Europe.

Le premier foyer français est détecté en 2008 en Haute-Saône. Un deuxième foyer distinct est signalé dans le Pas-de-Calais en 2009. Progressivement, les zones contaminées se rejoignent et 39 départements sont touchés en 2012.

La progression se poursuit toujours vers l’ouest, avec la découverte récente d’un nouveau foyer dans le Cotentin et de nombreux signalements en Grande-Bretagne.

Compte-tenu des éléments disponibles aujourd’hui, rien ne semble s’opposer à ce que le champignon concerne l’ensemble des populations européennes de frênes. D'autant que des études (inoculations en laboratoire – Kirisits et al, 2010) ont pu mettre en évidence la sensibilité du frêne oxyphylle à la chalarose, ce qui représente un risque supplémentaire pour la ressource au niveau national. 


Les enjeux

Bille de frêne - Photo Jean-Baptiste Wokan - CRPF Grand Est © CNPF (jpg - 38 Ko)

Bille de frêne

Compte-tenu de l’importance de la zone atteinte et de la rapidité de propagation de la maladie, il est aujourd’hui peu probable d’éviter la contamination de l’ensemble du territoire national.

Si l’extinction du frêne a très vite été évoquée, l’approfondissement des connaissances de ce champignon jusqu’alors inconnu, a mis en évidence la nécessité de bien connaître le sujet, avant de diffuser un message qui pourrait avoir des répercussions non souhaitées et parfois préjudiciables.

Il est aujourd’hui certain que des coupes brutales de récoltes anticipées et désordonnées, justifiées par des principes de précaution démesurés, auraient généré des dommages collatéraux irréversibles.

En plus des préconisations déjà élaborées par le DSF (cf. Goudet et Piou – 2012) qui doivent être largement diffusées en forêts publiques et privées, il convient d’évaluer l’influence du contexte géographique et sylvicole sur l’émergence des foyers, la précocité et l’agressivité des attaques, dans le but d’appréhender les marges de manœuvre dont disposent les gestionnaires.

L’épidémie de chalarose impacte durablement les peuplements de frêne, et compromet à court terme sa sylviculture, telle qu’elle a pu être traditionnellement pratiquée ces dernières décennies. Par conséquent, il est nécessaire de proposer aux gestionnaires des solutions techniques pour réorienter la gestion des peuplements infectés, solutions qu’il convient de tester rapidement pour en établir la pertinence et en évaluer le coût.

A plus long terme, le maintien de l’espèce sur le territoire dépendra de sa capacité à vivre avec le pathogène. Ainsi, dans des peuplements fortement infectés, si certains individus sont constatés durablement exempts de symptômes, il est important de les signaler et de les préserver. Ces survivants pourraient devenir les fondateurs de prochaines générations capables de survivre en présence de la chalarose.

Qu’il s’agisse d’impacts économiques, environnementaux ou sociaux, les fondements de la gestion durable des forêts sont menacés par l’arrivée de cette maladie.

Au regard d’une situation évoluant défavorablement pour le frêne, et dans l’hypothèse d’un rythme invariable d’évolution des dégâts, les principaux enjeux identifiés sont les suivants :

  • le renouvellement des peuplements de frêne (substitution d’essence par conversion/transformation selon des itinéraires techniques économiquement acceptables, ou maintien des populations tolérantes) ;
  • l’engorgement des marchés du fait d’une augmentation sensible des récoltes / La dépréciation à moyen terme des qualités esthétiques et mécaniques des produits de frênes sinistrés (accélération du dépérissement sous l’action de parasites d’équilibre…) ;
  • le tassement des sols lié à des exploitations massives et désorganisées ;
  • l’isolement des autres essences présentes dans les peuplements ;
  • la disparition d’habitats d’intérêt écologique majeur ;
  • ou encore la déstructuration des paysages.

Le niveau d’importance de chacun de ces enjeux dépend de la typicité des terroirs régionaux, du statut de la propriété forestière (privé/publique) ainsi que de l’évolution future de l’épidémie.