Christian Chopin, co-gérant d’un groupement forestier familial dans la Marne (jpg - 175 Ko)

Interview de Christian Chopin

Interview de Christian Chopin, géologue de profession, co-gérant d’un groupement forestier familial de 230 ha dans la Marne, en Brie des Etangs, à proximité d’Orbais-l’Abbaye.
Mars 2018.

Bonjour M. Chopin, pourriez-vous vous présenter ainsi que votre forêt ?

Géologue de profession, je suis co-gérant d’un groupement forestier familial de 230 ha dans la Marne, en Brie des Etangs, à proximité d’Orbais-l’Abbaye. Ma formation sylvicole doit beaucoup aux Fogefors et au CETEF 51. Notre forêt est stationnellement très variée, des vallons frais (vallée du Surmelin) au plateau limoneux, en passant par des coteaux calcaires exposés au sud. L’objectif est la production de bois d’oeuvre de qualité, en feuillus.

Quelle est l'importance du frêne dans votre forêt ?

Le frêne est la deuxième essence de la réserve après le chêne. Il en constitue une proportion importante dans certaines stations de plateau (jusqu’à 40% en nombre de tiges) mais surtout dans le vallon. Là, il peut être très dominant et constituer de magnifiques peuplements (H > 30 m), dont une partie (6 ha environ) avait été classée porte-graine par le CEMAGREF. Une plantation de frêne (et noyers subordonnés) a été réalisée en 1976-77 sur plus de 3 ha.

Que connaissez-vous de la Chalarose ?

J’avais été intrigué en août 2009 par une mortalité suspecte dans une régénération de frêne du vallon. L’arrivée de la chalarose nous a été révélée dans les années suivantes par les agents du CRPF ; elle est devenue manifeste et générale dans la forêt en 2012. Ce que j’en connais est surtout par les brochures CRPF-IDF (biologie, cycle du champignon, nécrose du collet) et l’observation de terrain : forte mortalité en régé, gaulis et perchis, atteinte aux houppiers variable d’une année à l’autre et d’un arbre à l’autre, encore peu de mortalité en bois moyens et gros bois. Pas d’expérience encore sur une éventuelle altération du bois d’œuvre.

Avez-vous une idée de l'impact de la chalarose sur votre forêt ?

Dans l’immédiat : la belle frênaie classée a été fortement touchée par deux coupes rapprochées, dont l’une dérogatoire. Dans la plantation, les accroissements s’effondrent.

A moyen et long termes : la régénération de nos chênes étant très problématique, le frêne portait l’essentiel du potentiel de renouvellement des peuplements. L’anéantissant de sa régénération par la chalarose est donc un coup très dur. Dans les stations fraiches du vallon, où frêne et sycomore étaient en concurrence, le sycomore devient envahissant. Mais sur le plateau, qui va prendre la suite en l’absence de chêne ?

Avez-vous modifié les objectifs et directives de gestion suite à l'apparition de la maladie ?

Le renouvellement du PSG en 2016 a été l’occasion d’intégrer la chalarose dans la réflexion. Compte tenu de la qualité des peuplements régionaux de frêne, nous ne renonçons pas à une régénération naturelle, en espérant que des souches résistantes se révèlent, mais en ayant des essences associées pour prendre le relais au besoin. Passage prévu tous les 3 ans en été dans les parcelles riches en frêne, périodicité à moduler en fonction de l’expérience qui sera acquise sur la résilience ou la rapidité de dégradation des frênes ; réserve des petits et moyens bois les plus sains dans l’espoir de maintenir des souches locales résistantes ; critères de martelage des arbres atteints (>60% du houppier disparu, ou collet nécrosé) ; exploitation sélective normale des gros bois, un peu plus systématique des très gros bois.

Connaissez-vous le programme CHALFRAX ?

Découvert avec grand intérêt lors de ce questionnaire.

Quelles sont vos attentes du monde forestier par rapport à la Chalarose ?

Du côté recherche, des retours réguliers de programmes comme Chalfrax.

Du côté propriétaires et gestionnaires, une certaine solidarité pour ne pas tout couper tout de suite et inonder le marché, et pour donner ainsi une chance à l’émergence de souches résistantes, seul espoir de maintenir une frênaie pour les générations à venir.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Wokan, CRPF Grand Est.